VERCHALLES
LE NOM :
C'est une agglomération formée par deux villages : Verchalles Soubro et
Verchalles Soutro, qualificatifs qui ont été traduits à une certaine époque par grand et petit. Actuellement, on traduit par haut et bas (comme à
Prunet).
En ce qui concerne Verchalles Soutro, il avait eu comme nom
BERTHOLET. Cette dernière appellation figure dans la liste des villages disparus de la commune.
A Verchalles, une branche de la famille de Longua, originaires de Basse Auvergne, y possédait une maison près de laquelle était une chapelle dédiée à Sainte-Anne. D'après Deribier-du-Châtelet, la famille de Longua, aurait obtenu en 1567 de François de Chabannes, l'autorisation de se faire un tombeau dans la chapelle de Saint-Pierre de l'Église de VEBRET ! Actuellement, aucune trace de ce tombeau n'apparaît dans l'église. Est-ce sous les dalles ? C'est peu probable compte tenu de l'humidité du terrain.
Les légendes qui entourent Verchalles sont nombreuses : en voici quelques-unes.
LE CHÊNE ET LA MAISON DU ROI
Au temps de la marine à voile, les bateaux construits exclusivement en bois nécessitaient de très grands arbres sans aucun défaut. Les fonctionnaires royaux de la marine envoyaient des spécialistes chargés de "marquer" les arbres dont ils avaient besoin (ces arbres s'appelaient des "Sully"). C'est ainsi que fut repéré, aux environs de 1675, un chêne magnifique dans la "Combe des morts” au fond de
l'Affural. Un rapport, concernant cet arbre fut envoyé à Paris et resta dans les dossiers, un peu oublié, jusqu'aux environs de 1745. Un émissaire royal fut chargé de récupérer ce chêne et de le faire parvenir par flottage jusqu'à Bordeaux.
Arrivé à Bort, ce haut personnage eut bien du mal à se faire comprendre, il parlait français et les gens du coin parlaient patois. Après bien des péripéties, il aboutit chez Me BARRIER à Vebret qui n'avait bien entendu aucune connaissance de cet arbre, mais se souvint qu'il y avait à Verchalles une maison appelée 'Chez le Roi".
Dans le village, une seule personne, très âgée, était au courant et put indiquer l’emplacement approximatif de ce chêne. La légende veut que le forestier de 1675, après avoir marqué l'arbre de la fleur de lys, alla trouver un certain Rémouner habitant une maison tout en haut de Verchalles Soutro et le chargea de veiller à ce que personne ne toucha à cet arbre. Il était investi d'une mission royale authentifiée par une fleur de lys gravée à l'intérieur de la porte de l'étable. Cette mission fut transmise de père en fils jusqu'en 1745 lorsque l'arbre fut abattu.
Tous les anciens de Verchalles se souviennent de l'appellation "Chez le Roi" sans pour autant en connaître l'origine. D'après les témoignages que j'ai pu recueillir, ce serait la maison actuellement occupée par M. JOURNIAC de Bort. Bien entendu la maison actuelle n'a rien à voir avec celle de 1745 et la porte de l'étable a disparu.
L'ABATTAGE DE L'ARBRE
Il fallait d'abord le trouver ! Ce ne fut pas chose facile car pour y accéder les quelques hommes de Verchalles réquisitionnés devaient passer à proximité du village détruit de l’Affural - village de sinistre mémoire (il avait été autrefois habité par les lépreux). Peu de gens s'aventuraient dans cet endroit, l’âme des morts montant la garde. Et c'est la peur au ventre que l'expédition après bien des détours arriva auprès du ravin, appelé la combe des morts, aperçut la cime de l’arbre en question.
Les hommes de Vebret furent convoqués à l'église “pour une corvée”. Il n'y avait plus de corvée à cette époque mais il fallait recruter des volontaires pour abattre l'arbre et l'amener jusqu'à la
Rhue. Ils étaient payés 20 sous par jour. .. ce qui était une aubaine. Il y eut donc beaucoup de candidats, mais certains renoncèrent... il fallait descendre dans la combe des morts, or celle-ci avait très mauvaise réputation. La légende dit qu'elle servit de charnier. Les huguenots (1) du temps de la ligue, y jetèrent les cadavres des catholiques et plus tard les dragons (à l'époque des dragonnades) y jetèrent les huguenots. On trouva en effet des restes de squelettes humains dans ce ravin. C'est dire que les hommes requis ne mettaient guère de bonne volonté pour effectuer ce travail.
L'arbre, enfin abattu et ébranché, il fallait le faire glisser jusqu'à la rivière en traversant des terrains accidentés où il était difficile d'utiliser la traction animale. Il fallut faire appel à un homme d'expérience de Courtilles, un certain
BOURROULHE, qui malgré ses 70 ans, avait la force, le respect et l'autorité sur les hommes. Trois jours furent nécessaires pour amener l'arbre à la route.
Le curé vint le bénir et Me BARRIER dressa l'acte d'authenticité, à savoir : " 17 toises de long, largeur 1 toise 3/4 à la base, 1 toise au mitan et une 1/2 toise à la pointe. Droit comme une aiguille, pas de trace de branches, coeur noir, écorce blanche... fleur de lys presque effacée" (1 toise de 6 pieds = 1m90) Si ces mensurations sont exactes (et il n'y a pas de raisons d'en douter, elles ont été trouvées dans les archives de l'étude de Me
BARRIER) notre gros chêne, à côté de l’église parait bien petit, il ne mesure que 1m75 environ de diamètre à 1m du sol. Il est vrai que ce ne doit pas être la même essence de chêne.
(1)Il devait y avoir beaucoup de "parpaillots" à Bort, car paraît-il, le nom de Gounot serait une contraction d’huguenot.
LES LÉPREUX
La lèpre apparue en France au début du 8ème siècle, introduite dit-on par les Sarrasins. Des lépreux, il y en a eu bien sûr dans la région. La légende veut que les lépreux de Bort et des environs fussent "parqués” à côté de Verchalles dans le village de
l'Affural. Ils y subsistaient tant bien que mal grâce au maigre ravitaillement qu'ils recevaient tant des habitants de St-Thomas que de ceux de
Verchalles.
Ces derniers devaient apporter à date régulière certaines denrées et les déposer sur une des pierres plates, nombreuses dans ce secteur. Si le ravitaillement avait du retard, les lépreux menaçaient d'envahir le village. Au cours des ans, le village de
l'Affural est devenu un village maudit. Peu de gens s'aventuraient dans son secteur ayant peur de se damner.
Hervé JOURNIAC dans "la vallée des chevaliers" parlant d'une chevauchée suivant la voie romaine dit : "le chemin passait sous un morne promontoire nommé Roche de
St-Thomas, au sommet de ce bloc de granit, sur une plate-forme broussailleuse était construit de glaise et de genêts, le village des lépreux", c'était au 13ème siècle.
LE SUC DES DEMOISELLES
C'est un tumulus, c'est à dire un monticule artificiel servant de sépulture, Il est actuellement assez difficile d'accès, la nature ayant repris ses droits. DERIBIER du Châtelet l'a fait fouiller aux environs de 1820. Au-dessous d'une couche de terre rapportée, on a trouvé une voûte en pierres sèches recouvrant la chambre funéraire où étaient quatre dalles, un vase en poterie rouge contenant les cendres du mort et un poignard de cuivre, qui permit de dater la sépulture à environ mille ans avant Jésus-Christ.
Ce qui a incité DERIBIER du Châtelet à entreprendre ces fouilles est une vieille légende dont l’origine se perd dans la nuit des temps, la voici :
"Un nommé Roguet, passant la nuit près de ce monticule dont il n'était pas rare que le gazon parut au matin tout piétiné et tout fripé y vit trois demoiselles assises et en grande conversation. Le pauvre hère épouvanté s'en retournait chez lui, en grande hâte, invoquant son saint patron, lorsque ces fées l'ayant aperçu formèrent une ronde, le mirent au milieu et l'obligèrent à danser jusqu'au jour. Peut s'en fallut qu'il n'en mourut de crainte et de
fatigue".
Il est bien probable que le sieur Roguet se soit endormi, après une journée un peu trop arrosée, et que prenant son rêve pour la réalité le raconta avec forces détails aux habitants de
Verchalles. Il est vrai qu'à cette époque les fées avaient encore leur pouvoir.
BIBLIOGRAPHIE
- DERIBIER du CHATELET "Dictionnaire statistique du Département du Cantal.”
- Narcisse JOUVE (le tailleur de Vignon - pour les plus anciens de la commune) “le moulin de Courtilles” qui m’a été aimablement prêté par ses fils. Ne cherchez pas cet ouvrage en librairie, il s’agit d’un document exclusivement familial. J’en ai tiré l’histoire du chêne et de la maison du roi.
- Camille VIGOUROUX “Notes d’histoire locale” où sont rassemblés les articles parus dans “l’écho de la Sumène”. Je m’en suis inspiré pour le Suc des Demoiselles.
- Hervé JOURNIAC - “La vallée des chevaliers”, livre où il est question des lépreux.
- Les travaux de Jean-Claude RIVIERE et de Philippe OLIVIER (de
Couchal) sur l’origine des noms de lieux.
Jean TOURNADRE (Janvier 1994)
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