LE ROC VIGNONNET
Encore une fois, vous allez poser la question. Que vient faire le Roc Vignonnet dans l'histoire de la commune ? La paroisse de VEBRET était avant la Révolution française un Prieuré. Ce prieuré dépendait d'abord du prieuré de BORT ; c'est au XV° siècle qu'il fut uni à celui du Vignonnet. Donc, pendant trois siècles, VEBRET avait des liens privilégiés avec Vignonnet.
HISTORIQUE :
Peu de choses ont été écrites à propos des implantations successives au sommet du Roc. Au
Moyen-Age, d'après la charte dite de Clovis, s'élevait un château
(le château de l'Avenno avec ses dépendances). Ce château devait être construit en bois selon les techniques utilisées à l'époque. C'était probablement le chef lieu de la seigneurie de la Daille. Par qui a été détruit ce château ?
Peut-être à la même époque que le siège de Chastel-Marlhac ? Peut-être par Pépin le Bref après le sac de Tournemire... Pourquoi pas les Arabes ou les Normands qui ruinèrent Clermont et la région ?
Ce château fut remplacé par celui du Châtelet d'Antignac qui appartenait aux Comtours de Saignes. Il fut à son tour détruit pendant la guerre de cent ans.
En fait, rien ne permet d'affirmer avec certitude la présence d'une occupation humaine antérieurement à la fondation du prieuré par saint Robert en
1060.
C'est donc au XI° et XII° siècles que fut fondé un prieuré bénédictin de la Chaise-Dieu dont seule subsiste une partie de l'église. Cette église, joli spécimen de l'art roman auvergnat, bien qu'inscrite sur l'inventaire des monuments historiques en 1925 n'a pas été entretenue.
C'est, m'a-t-on dit, le conseil municipal d’Antignac qui entre les années 1920-1930 a refusé de voter une somme pourtant pas très élevée, que n’ont pu être faits les travaux d'entretien nécessaires. Heureusement la municipalité actuelle a dans ses projets, la restauration de l'église. A n'en pas douter, les sommes qui seront engagées n'auront rien à voir avec celles nécessaires il y a quelques décennies.
Le service du culte au sommet du Roc était pénible pour les fidèles et l'église fut peu à peu abandonnée au profit de celle
d'Antignac qui fut agrandie en 1758.
Toutefois, les habitants des communes des "Muradés", aujourd'hui la
Monsèlie, n'avaient pas d'église, ils continuent à utiliser celle du Vignonnet et jusqu'en 1870, tous les enterrements de cette section furent faits dans le petit cimetière de cette église.
Après le rattachement du prieuré de VEBRET au Vignonnet, on peut à titre anecdotique citer parmi les premiers prieurs de Vignonnet "Jehan des âges", curé de Vebret (1489), Antoine
Delpeuch, originaire de Vebret qui prit possession des prieurs de Vignonnet et de Vebret (1616) et enfin le dernier Georges
Fareyrolles, prieur de 1738 à 1789. Il était originaire de Bort. Le 9 août 1755, il assista à l'acte de dépôt dans l'église de cette ville d'une parcelle de la vraie croix. Ce serait paraît-il l'origine de la fête de la Sainte-Croix à Bort.
LES RICHESSES ARCHITECTURALES DE LA CHAPELLE
Le prieuré du Vignonnet jouissait d'une grande importance dans la Vallée. Vebret en dépendait mais également
Trizac.
Le fait que le prieuré dépende de la Chaise-Dieu explique probablement l'importance et le raffinement des sculptures des modillons, des chapiteaux, des pieds de colonnes, etc... Le matériau utilisé pour les sculptures est le tuf des carrières de Broc.
Modillons à décor de figure humaine.
Les chapiteaux sont décorés de motifs végétaux ne ressemblant à aucune plante réelle.
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Chapelle en cours
de restauration
(M.àJ.2004)
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LES LÉGENDES DU ROC VIGNONNET
Si les documents sont rares pour reconstituer l'histoire, la vraie, du "Château", du prieuré et du couvent bâtis au sommet du roc dominant la vallée de la Sumène et
Antignac, les légendes y suppléent avec un fond de crédibilité.
En voici quelques-unes, dont certaines ont fait l'objet d'un article de M. Mallouet paru dans "la Montagne”.
Le souterrain :
La légende a la vie dure. De nos jours, certains n'hésitent pas à affirmer qu'un souterrain reliait le sommet du roc Vignonnet et
Chastel-Marlhac. Les raisons en sont peut-être dues à la présence de la grotte des fées dans le rocher de Chastel et de l'excavation découverte au
Vignonnet, profonde de six à sept mètres, remplie de roches vitrifiées, d'ossements agglutinés de reste de charbon, de fer, de flèches et de pieux calcinés. Cette excavation serait bien antérieure au "château". Le géologue Jean-Baptiste Rames datait ces résidus de l'âge de fer.
Aucune étude sérieuse ne permet de croire au souterrain.
LA BERGÈRE, SON CHIEN ET LE MOINE PERVERS
C'est la légende la plus connue, celle qui peut avoir un fond de vérité (l'actualité récente nous rappelle, hélas, la légende que voici).
C'était au temps où le berger électrique n'existait pas. Il y avait donc des bergères gardant vaches et moutons. C'était le sort de la
Marissou, fille de pauvres gens d'Antignac qui pour quelques liards, gardait un troupeau appartenant à un riche cultivateur. Tout en surveillant ses bêtes, aidée de son chien, elle filait la quenouille et chantonnait des airs de bourrée.
Elle était belle, la Marissou, tout en elle reflétait sa joie de vivre.
Un matin, son chien se mit à grogner et à montrer les dents. Il avait aperçu un homme qui s'approchait. C'était un moine, un certain Eric, qui était devenu moine un peu par force. Les règles monacales ne lui convenaient guère, tout l'ennuyait au couvent. Les jeûnes, les repas de légumes et d'eau claire, les veillées de prières, les réveils avant l'aube pour les matines. Sa foi disparaissait.
Un beau jour de printemps, de subites envies sexuelles lui firent quitter le couvent en quête d'aventure.
Donc, ce matin-là, il aperçut Marissou, s'approcha d'elle et entreprit la conversation, il s'enquit de son travail, de ses parents. Les haillons qui lui servaient d'habits montraient bien sa pauvreté. C'est alors que le moine lui proposa de l'aider en lui donnant une pièce d'or, bien sûr, il ne l'avait pas sur lui, il fallait qu'elle le suive au couvent. Après beaucoup d'hésitation, elle le suivit laissant la garde du troupeau à son chien.
Arrivée au couvent, elle s'aperçut très vite mais un peu tard que le moine voulait tout autre chose. Elle se mit à crier,
Le moine épouvanté l'enferma rapidement dans un cachot d'où ses cris ne pouvaient être entendus.
Vous pensez l'émotion dans la région lorsque la nouvelle de la disparition de la Marissou fut connue. Des battues furent organisées. Aucune trace de la jeune fille. Les parents éplorés ne savaient plus à quel saint se vouer. Mais le père de Marissou constatant le comportement bizarre de son chien, celui-ci disparaissait une partie de la journée. Il montait au couvent, restait là en gémissant. Il avait senti la présence de la recluse.
Après beaucoup d'hésitations, audience fut demandée au Prieur, lequel après avoir jugé naïve l'affirmation du paysan demanda à la gendarmerie de perquisitionner au couvent afin de laver tout soupçon sur les moines.
On trouva rapidement Marissou amaigrie qui n’avait subsisté qu'avec les quelques croûtons et un peu d'eau que lui apportait Eric. Elle eut la force de le dénoncer. Il reconnut sa faute. La justice ne traîna pas. Par ordre du roi, il fut condamné à mort. Attaché à une grosse poutre, il fut précipité du haut du rocher. Le couvent fut rasé. Il reste la chapelle et paraît-il, la poutre qui serait dans une étable de Vignon.
UN PAPE AU VIGNONNET
Un certain jour de printemps 1355, toute la vallée de la Sumène était en émoi. Un convoi était annoncé se dirigeant ver le
Vignonnet. Le cortège conduit par cinq cardinaux de sa famille, conduisait à la Chaise-Dieu la dépouille embaumée du Pape Clément
VI, cousue dans une peau d'élan (certains disent une peau de bouc). Clément VI fut pape en Avignon de 1342 à 1352. Mais me direz-vous, le chemin direct pour aller à la Chaise-Dieu ne passe pas par chez nous ! Le cortège était probablement passé par le Limousin, lieu de naissance du pape et s'il est venu au
Vignonnet, il ne faut pas oublier que le prieuré installé sur le roc dépendait du prieuré de la Chaise-Dieu. La légende ne dit pas si le corps du pape a été hissé au sommet pour y passer la nuit ou si le cortège ne s'est arrêté que quelques heures. Toujours est-il qu'un pape, même mort, et des cardinaux en Auvergne, on a dû en parler longtemps dans les chaumières.
LES SANDALES DE SAINT ROBERT
M. de RIBIER parlant des constructions sur le roc Vignonnet dit ceci : " Ce fut un seigneur du pays ou peut-être Saint-Robert lui-même qui les fit ériger. On rapporte de ce saint qu'il était venu présider à la consécration de l'Église et qu'il y prêcha. Comme il avait laissé ses sandales au bas du rocher, des enfants voulurent jouer avec elles, mais un rayon de soleil les enleva et les tint suspendues en l'air jusqu'à la fin de la cérémonie".
A vous de croire ou douter de la force de ce rayon de soleil !
LA MORT DE L'ABBE SEGUIN
SEGUIN, troisième abbé de la Chaise-Dieu partit par un hiver très rude faire visite dans les montagnes du
Haut-Cantal. Il vint coucher au couvent de Vignonnet où il comptait célébrer l'Épiphanie. Mais fatigué par une longue marche dans la neige, il s'alita, fut pris de fièvre et mourut. C'est peut-être vrai.
Jean TOURNADRE.(Septembre 1998
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