Plus que l'histoire du Cantal, voici quelques "anecdotes" glanées de-ci de-là.
C'est en 1765 qu'apparaît la notion de division du Royaume en "Départements" mais le mot signifiait, alors "répartition fiscale" et aussi "Division du Gouvernement" (chaque ministère avait son département).
Ce n'est que le 4 mars 1790 que la Constituante promulgua le texte "relatif à la division de la France" en 83 départements.
Comme tous les textes de lois, il fallut le mettre en application. Cela n'a pas été aussi simple que l'on pouvait le penser.
Les principaux problèmes soulevés furent ceux des limites territoriales, des noms de chefs-lieux, d'emprise ecclésiastique,
etc...
En ce qui concerne les limites, l'idée première avait été de découper le territoire en département de forme géométrique, de façon à abolir tout ce qui pouvait avoir un relent d'ancien régime.
Cette idée fut vite abandonnée et toute latitude fut laissée aux députés, et notamment à ceux d'Auvergne, pour trouver un accord satisfaisant faute de quoi le pouvoir central prendrait lui-même la décision.
Henri POURRAT dans "Histoire des gens dans les montagnes du Centre" dit :
“Sur cette terre, au commencement, Dieu fit l'Auvergne, et puis plus rien, plus rien. Et puis le reste du Monde...”
L'Auvergne est donc de toute éternité, mais il y a la haute et la basse Auvergne. Nous faisons partie de la haute, peut-être en souvenir très lointain du volcan du Cantal qui était une montagne majestueuse, paraît-il de plus de 3 000 mètres de haut, que l'époque glaciaire et l'usure du temps ont ramené à une altitude plus modeste, légèrement inférieure à sa rivale, le Sancy.
Les négociations avec ce qui devait devenir le Puy de Dôme et la Haute-Loire furent laborieuses car les cantons de
Champs-sur-Tarentaine, de Condat et de Massiac appartenant à la basse Auvergne, furent annexés à la haute Auvergne, c'est-à-dire au Cantal.
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Inutile de vous dire le mécontentement de certains Artensiens quand ils se virent rattachés à ce que l'on appelait l'Auvergne de la rave et du seigle en opposition à l'Auvergne du blé, et de la vigne qu'ils jugeaient, évidemment à tort, infiniment plus prestigieux.
L'Artense (pour les plus jeunes) est une zone assez imprécise comprise entre la Dordogne et la Rhue et terminée au nord par les plateaux de la Tour d'Auvergne et de
Saint-Genès.
Dans ma jeunesse, je me souviens des gens de Champs, sachant que nous habitions Vebret, disant :
"S'ez d'allaï l'aïgua” (vous êtes de l'autre côté de l'eau). C'était bien à leurs yeux une frontière et ils nous le faisaient bien sentir.
Il est vrai que la commune de Champs, malgré l'honneur imprévu qui lui avait été fait d'être choisie comme chef-lieu de canton en 1790, pétitionnait encore trois ans plus tard pour être rattachée au Puy-de-Dôme. Cette démarche étant surtout dictée par la crainte, hélas fondée, d'une imposition plus importante de la Haute-Auvergne (héritage du mode d'imposition de l'ancien régime qui dura quelques années après la révolution).
Les limites du Cantal furent, donc, fixées. Elles correspondaient, sur près des trois quarts, aux limites des circonscriptions de l'Ancien Régime, formant un pays homogène marquée par une réalité géographique, celle du Massif Cantalien, le plus vaste édifice volcanique d'Europe.
Emile DUCLAUX, élève et successeur de Pasteur, né à Aurillac en 1840, évoquait ainsi le département du Cantal : "une roue sans jante posée sur un baquet". Le Plomb du Cantal et les sommets voisins forment le moyeu et les rivières
(Rhue, Sumène, Auze, Maronne, Jordanne, Cère et Allagnon) forment les rayons.
Croyez-vous que tout était réglé ? C'était sans compter sur les ambitions des Limousins du canton d'Ussel qui, une centaine d’années plus tard, eurent le front d'intenter une action pour qu'une partie du canton de Saignes, dont Vebret, soit rattachée à la Corrèze. Mal leur en prit car ils se virent répondre qu'au contraire, c’est Bort qui devrait être rattaché au Cantal. Les choses sont restées en l'état.
Pour ce qui est du nom, peu de problèmes se sont posés. Notre département a pris celui de son sommet le plus haut : Plomb du Cantal et les habitants ne virent aucun inconvénient à laisser entendre, par le nom de leur département, qu'ils produisaient de l'excellent fromage.
Il n'en fut pas de même pour nos voisins du nord, ceux de la basse Auvergne. Ce qualificatif de basse était pour certains péjoratif, notamment pour les
Riomois, rivaux des Clermontois, qui savaient tous par coeur ces deux vers :
"RIOM, chef glorieux de cette terre grasse
Que l'on nomme Limagne, au lieu d'Auvergne Basse".
Pour son appellation, plusieurs noms furent avancés dont celui de
"Mont-D'Or” qui désignait à l'époque le sommet le plus élevé du Massif Central (aujourd'hui le Sancy).
Un député clermontois proposa Puy-de-Dôme avec cette argumentation :
- "Je préfère cette seconde dénomination à la première afin d'éviter que l'on ne conçoive l'idée de richesse en prononçant son nom, et pour prouver qu'il est plus facile d'y peser l'air que les écus" (faisant ainsi allusion à la fameuse expérience de Blaise Pascal).
Revenons au Cantal. Un sujet très épineux était la désignation du
chef-lieu. Les ambitions opposées de Saint-Flour et d'Aurillac, s'étant déjà manifestées pour le choix du chef-lieu de baillage principal pour les élections aux Etats Généraux, ressurgirent de plus belle, si bien qu'il fut décidé que le chef-lieu serait alternativement à l'une et à l'autre de ces villes, Ce fut Saint-Flour qui inaugura ce dispositif.
Mais c'était sans compter sur l'administration qui accumulant (déjà) les paperasses et les archives de tous ordres, il fut difficile, compte tenu des moyens de transports de l'époque d'assurer normalement cette navette (ce ne fut, évidemment, pas la seule cause, car paraît-il, Saint-Flour aurait fait quelques erreurs de gestion).
Finalement, Aurillac devint le chef-lieu, Saint-Flour conservant l'évêché qui date du
XIV° siècle.
Au moment où fut établi le Calendrier Républicain, dans lequel le nom des mois était associé à la météorologie ou à la végétation, et les jours de la semaine portaient des noms de fruits, il ne fut pas question de conserver des noms de ville rappelant la religion ou la féodalité. C'est ainsi que Saint-Flour devint quelques temps Fort-Cantal et que Vic-en-Carladès devint et resta Vic-Sur-Cère.
Un premier arrêté fixait à trois le nombre des districts (arrondissements actuels) : Saint-Flour, Aurillac et Mauriac. Un quatrième district fut finalement installé à Murat. Il fut supprimé en 1926 et les trois cantons qui le composaient furent rattachés à Saint-Flour.
Le Cantal actuel a trois arrondissements, vingt-six cantons et deux cent soixante deux communes.
L'arrondissement de Mauriac comporte six cantons et cinquante quatre communes :
- Mauriac : 11 Pleaux : 7
- Saignes : 12 Riom-es-Montagnes : 8
- Salers : 12 Champs-sur-Tarentaine : 4
En 1840, Levasseur fit éditer un Atlas des Départements (une reproduction de la carte du Cantal est à la Mairie). Sous sa direction, des petites géographies des départements faisaient partie de la panoplie des livres donnés aux élèves. Sur celle du Cantal, j'ai relevé que celui-ci avait une superficie de 577 769 hectares, Sa plus grande longueur, de l'extrémité du canton de Champs à l'extrémité du canton de Montsalvy est de 93 kilomètres. Sa plus grande largeur est d'environ 102 kilomètres du point où il touche la Haute-Loire au point où il touche la Corrèze. Son altitude moyenne est de 800 mètres.
Au recensement de 1801, il avait 220 304 habitants.
Aujourd'hui, avec ses 160 000 habitants environ, il est moins peuplé qu'en 1750.
Jean TOURNADRE.(juillet 1990)
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